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Salle des pas perdus
20 mars 2012

4 mai 1988

Mercredi 4 mai

 

 

Le lit est vide quand je m’éveille le matin. Il est plus de 8 heures et je vais être en retard rue de Berri. Je trouve mes vêtements de la veille bien rangés sur une chaise avec une chemise propre ne m’appartenant pas.

Qu’importe, je m’habille rapidement et descends dans la salle du bar. Madeleine est là, douce et souriante dans un clair matin ensoleillé. Il y a un peu de monde dans la salle, ce pourquoi elle me refuse ses lèvres.

- Installe-toi dans la cuisine, commande-t-elle, je t’apporte ton café et t’appelle un taxi.

J’obéis et dès qu’elle se glisse derrière le rideau nous nous rejoignons pour une étreinte tendre et passionnée non sans qu’elle surveille son bar du coin de l’œil.

Un quart d’heure plus tard le taxi est là, en double file devant sa porte, elle me fait un dernier signe de la main en disant :

- Reviens vite, si tu n’oublies pas.

Je n’ai pas le temps de répliquer.

 

Le retard ne prête pas trop à conséquence. Denise ne dit rien en tout cas. C’est même plutôt silencieuse qu’elle me désigne une pile vertigineuse de dossiers dont je dois effectuer quelques vérifications avant de les ranger. Je soupire mais je m’exécute sans lever le nez jusqu’à midi. Parfois on entend Michelle chantonner depuis son bureau.

 

L’après-midi est plus détendu, la cheftaine plaisante mais sans jamais s’adresser directement à moi.

Le soir je m’éclipse sans la saluer. Aucune nouvelles de Flora depuis hier matin et je décide de faire le mort. Je vais avenue Kléber mais Menou m’apprend que Laure est à l’étranger pour quelques jours.

De Laure, mes pensées se portent sur Sophie. La soirée est douce, je rejoins le Trocadéro, passe la Seine sur le pont d’Iéna, j’enquille l’avenue de la Bourdonnais, passe devant la maison où Edmond Rostand rendit son âme juste à côté d’une brasserie et enfin j’arrive rue de Montessuy. Je sonne au bas de son immeuble, pas de réponse. Je reviens sur mes pas, entre dans le salon de thé qui fait l’angle avec l’avenue de la Bourdonnais et laisse paisiblement passer le temps devant un thé de Chine au goût âcre.

Ca ne rate pas, au bout d’une demi-heure je vois ma blonde Sophie passée sur le trottoir. Je sors en vitesse pour l’appeler. Elle saute de joie en m’apercevant. Elle est vêtue très simplement d’un pantalon de toile claire et d’un léger pull rose très pale sur lequel s’étendent ses mèches blondes pleines de folie. Elle traine un filet dans lequel s’ébattent quelques provisions. Je l’invite à venir prendre un thé elle me suit en battant des cils. Ici tout le monde la connait. Elle inonde les joues du personnel de bises parfumées papotent à droite à gauche, saluent quelques connaissances et enfin me rejoint à ma table :

- Charles ! Quelle surprise ! … Que fais-tu par ici ?

- Je te guettais !

- Oh, rit-elle à gorge déployée, tu me voulais du mal ?

- Non, mais j’adore guetter les belles blondes dans les rues de Paris.

- Tu dois être débordé mon pauvre lapin !

- Exact !

- Laure ne te suffit plus ?

- Non, d’ailleurs, elle ne m’a jamais suffi !

- Que me veux tu ? demande-t-elle en déposant un baiser joyeux sur le bout de mon nez rutilant.

- Te parler.

- De quoi donc ? … D’amour ?

- Indirectement, oui !

- J’en suis flattée, bien que je préfère que tu m’en parles directement mais, j’avoue que tu me parais bien étrange.

- Tu es libre ce soir ?

- Ma foi oui ! … Laure est en Autriche jusqu’à la fin de la semaine. Donc ce soir mercredi, je suis libre, pas de nouba hebdomadaire avenue Kléber. Pour tout te dire, j’avais l’intention de me coucher tôt. Car, bien que tu aies une piètre opinion de moi, je peux aussi être une jeune fille sage et sérieuse.

 

Sophie en jeune fille sage et sérieuse, j’avais hâte de voir ça. Pour accompagner le petit ange, je reprends un thé imbuvable. Qui révèlera un jour au monde toutes les choses incroyables que les femmes arrivent à nous faire faire ?

On papote de divers sujets qui vont comme à l’ordinaire de la météo au deuxième tour des présidentielles en passant par le cinéma, la littérature, la victoire de Céline Dion au concours de l’Eurovision et la libération des otages Français au Liban rumeur courant sur les ondes depuis le début d’après-midi.

On quitte enfin le salon de thé et on traverse la rue pour pénétrer dans son immeuble. Elle habite au troisième étage un vaste F3 que ses parents ont acheté pour elle et sa sœur, Françoise. Cette dernière s’étant mariée, Sophie depuis deux ans vit seule mais souvent loge un ou une amie, voire les deux, voire même plusieurs à la fois. Enfin de compte, depuis que j’ai fait sa connaissance chez Laure à la fin de l’année 1984 je n’y suis venu que très rarement et jamais seul. Chaque fois c’était pour un anniversaire ou une fête quelconque, des soirées entre amis d’un même monde, avec plus d’invités filles que garçons.

 

On grimpe les trois étages à pieds de ce large escalier de pierre jaunie. Elle glisse une clef dans chacune des trois serrures !

- Tu excuseras le désordre, dit-elle, je ne pouvais pas prévoir que tu passerais.

Elle rit pour ajouter :

- Que tu passerais enfin ! … après avoir décliné je ne sais combien d’invitation !

 

Je pénètre à sa suite dans son appartement cossu qui transpire le XIX° siècle avec son plancher craquant comme un navire dans la tempête

- Installe-toi, mets toi à l’aise, sers toi à boire ; je dois téléphoner.

 

Le téléphone est dans l’entrée, j’avance dans son magnifique salon par une double porte vitrée de carreaux de couleurs. Si je me rappelle bien l’histoire de cet appartement, les parents de Sophie l’ont acheté suite à un décès et les héritiers étaient si pressés de vendre qu’ils n’ont récupéré aucun meuble. Parquet qui grince, lambris sur les murs, cheminées dans chaque pièce, moulures au plafond, hautes fenêtres doubles, donnant sur un jardin commun, copie de tableaux anciens aux murs, Sophie y a rajouté des croutes modernes, bibelots de valeurs sur des étagères de verres, Sophie vit toujours dans le luxe qu’elle a connu dès la naissance. Et je ne la blâme pas. Les meubles aussi sont anciens et quelques uns ont de la valeur.

Si je me souviens bien, sa chambre est tapissée de photos, je n’y ai passé le nez qu’une seule fois, un jour où Laure me faisait la visite.

Je me sers une bouteille de chivas de son bar particulièrement bien fourni, tandis que me parvient de l’entrée, la voix de Sophie échangeant de vifs propos avec sa mère au sujet d’une course qu’elle devait lui faire et qu’elle a oubliée.

Elle me rejoint, tout sourire, marchant vers moi comme une offrande vers son Dieu. Elle renifle mon verre et demande la même chose en se laissant tomber dans son canapé en cuir d’un blanc éblouissant.

- Tu sais quoi, dit-elle, il me vient une idée. Depuis le temps que je mourrais d’envie de t’inviter à dîner ici, pourquoi on n’en profiterait pas pour se faire tous les deux une petite soirée tranquille, une soirée d’amoureux, un souper aux chandelles et tout et tout …

Ses yeux brillent d’amusement, j’ai toujours adoré ses airs espiègles, son côté fou, ce don qu’elle a de faire danser la vie. Je lui tends son verre, la regarde en remuant le nez mais ne répond rien :

- Merci. Qu’en penses-tu Charlot ?

- Qu’entends-tu par «  et tout et tout «  ?

Elle rit encore de son rire clair et large et détourne le sujet :

- Disons une soirée romantique, entre bons amis qui s’estiment ! Bien sûr, si tu préfères le restaurant je n’y vous pas d’inconvénient. Laisse-moi juste le temps de me changer.

- Une soirée à deux ici même me va très bien !

 

Elle a un charmant clignement des yeux pour me remercier :

- Je ne te promets pas de choses extraordinaires, vu que tu me prends au dépourvu, mais on doit pouvoir trouver de quoi se faire un petit dîner de fête.

 

Elle se lève de canapé son verre à la main et m’entraine vers la cuisine toute peinte d’un bleu pâle plutôt réussi, farfouille dans ses placards, son frigidaire immense et son congélateur. Très vite, elle élabore un menu qui tient la route :

- Coquille Saint-Jacques, escalopes de veau à la crème, des pommes de terre rissolées pour accompagner, fromage et dessert, sorbets ou autres, annonce-t-elle. Ca te va ?

- Impeccable !

Elle ouvre un placard sous son évier :

- Tiens, choisis le vin que tu veux, je te fais confiance.

Je débusque un saumur-champigny rouge pour les escalopes et un graves blanc pour les Saint-Jacques que je m’empresse de mettre au frais.

- Le temps que ça chauffe on en a pour plus d’une demi-heure dit-elle après avoir allumé son four. Je vais aller prendre une douche et me faire belle pour toi. … De toute façon rien ne nous presse on a du temps devant nous.

- On a même toute la nuit.

Elle sourit :

- Personne ne t’attend ce soir ?

- Personne puisque Laure est en Autriche.

Elle pouffe :

- Ne me dis pas que tu n’as qu’elle dans ta vie.

 

Je ne réponds rien, tandis que nous nous dévisageons tous les deux au beau milieu de cette cuisine aussi éclatante de propreté que celle qu’on voit dans les publicités après le passage de Monsieur Propre. Nous échangeons un long sourire amusé non démuni de tendresse et de mystère.

Cette Sophie ne ressemble en rien à la Sophie que je vois d’habitude chez Laure. Celle-ci est plus calme, plus douce, plus attentive, plus adulte, plus docile.

- Attention, une fois marié, Laure ne te pardonnera pas le moindre écart.

- Et vice-versa, ma jolie !

Elle éclate de rire, ce rire torrentiel est communicatif :

- Tu crois pouvoir dompter ma Laurette ?

Je hausse les épaules :

- Si elle m’aime réellement tout devrait aller comme sur des roulettes. … Mais je ferai en sorte de l’écarter de ses relations douteuses.

- Tu parles de moi ?

- A toi de me le dire !

 

A nouveau elle éclate de rire puis me tend son verre vide :

- Un autre, s’il te plait et apporte-le à la salle de bains, je vais à la douche.

Et sur ce, elle démarre en trombe pour disparaitre dans le couloir.

Le temps de repasser par le salon, de remplir nos deux verres, de croquer quelques amuse-gueules, je me dirige vers la salle de bains dont bien entendu elle a laissé la porte ouverte. J’entends déjà le crépitement de l’eau, elle n’a pas trainé. Je reste sur le pas de la porte, et je distingue vaguement son corps à travers le verre épais de la cabine de douche. C’est fou ce qu’elle remue là-dessous. Je m’approche et demande d’une voix forte pour qu’elle entende :

- Ton whisky, tu le veux tout de suite ?

- Deux secondes ! clame-t-elle en riant.

 

L’eau s’arrête, la porte s’entrouvre, j’aperçois un délice de chair légèrement colorée et un bras qui se tend :

- Passe-moi le peignoir accroché derrière la porte, s’il te plait. … Ne fais pas cette tête là, tu as déjà vu mes fesses.

Je vais décrocher le peignoir et lui porte :

- Qu’est ce qu’elle a ma tête ?

- On dirait une tête d’ahuri.

- Tu te trompes ! J’ai plutôt la tête d’un homme ébloui.

 

Elle sort emmitouflée de blanc dans son peignoir qui la couvre jusqu’aux chevilles :

- Ebloui ? … Merci !

Elle attrape son verre, en boit une large rasade et le repose entre mes mains pour se saisir d’une serviette en éponge de la même couleur que son peignoir. Elle s’en frotte vigoureusement les cheveux tout en me regardant d’un sourire qui lui ouvre grand la bouche sur des dents bien alignées entretenues avec soin :

- Tu sais que tu as l’air chou, comme ça mon petit Charles ?

Je n’ai pas le temps de répondre qu’en un éclair elle me dépose un rapide baiser sur les lèvres, comme si elle avait cherché à gober une mouche qui passait devant elle.

Elle récupère son verre et part vers le fond de l’appartement où se trouve sa chambre.

- Comment-veux tu que je m’habille, mon Charlot ? …Romantique ? Diablesse ? Séduisante ? Petite fille modèle ? Nymphomane ? Bourgeoise pincée ? Jeune vierge effarouchée ? Eve aux premiers jours du monde ?

 

Son rire résonne sur les hauts plafonds blancs. Elle ouvre la porte de sa chambre et s’arrête sur le seuil comme si elle m’attendait et se retourne vers moi :

- Alors Charlot ? … La soirée est douce, un dîner nus tous les deux, ça te tente ?

- Non ! … Gardons-nous un peu de mystère !

 

Je suis près d’elle, glisse mes mains autour de sa taille et plonge la tête dans ses cheveux en désordre dont le parfum envoûtant flotte autour de nous :

- Tu as raison, murmure-t-elle avec une pointe d’émotion dans la voix.

- Habille-toi en Sophie, tout simplement.

 

Elle balaie doucement mon visage de ses cheveux fous puis s’écarte et me dévisage avec un sérieux que je ne lui connaissais pas. Elle ne dit rien, mais hoche la tête pour approuver mon choix. Sans bruit, elle referme la porte de la chambre derrière elle.

 

Elle réapparait dix minutes plus tard tandis qu’assis sur le canapé je feuillette un magazine de mode plein de beautés surréalistes. Elle s’est vêtue d’un tailleur léger, d’un vert comme celui qui teinte les étangs de la Sologne à l’heure où le soleil décline, une veste fermée très haut avec des manches trois-quarts, une jupe raide, sans fantaisie qui lui tombe sur les genoux. Aux pieds, des sandalettes blanches avec un léger talon.

Elle tourne sur elle-même avec aux lèvres, son doux sourire que j’aime tant.

- Alors ? demande-t-elle.

- Ravissant, mais je ne te reconnais pas !

Elle rit doucement :

- C’est pourtant ce que je porte quand je suis chez mes parents, des vêtements de ce style, strictes, vêtements de femme honnête !

- Nous dirons que tes pauvres parents ne te connaissent pas très bien.

- Et si c’était toi qui me connaissais mal ?

J’hausse les épaules comme si j’étais pris d’un doute sur ma propre existence :

- Ca reste du domaine du possible, dis-je, avec un sérieux qui m’émeut moi-même.

A nouveau elle tourne sur elle-même :

- Alors, à quoi je ressemble ?

- A une Sophie que je ne connais pas.

Réflexion un peu bête, j’en conviens, mais cette jolie femme me prend soudain au dépourvu avec son innocence dont je ne parviens pas à deviner si elle est feinte ou non.

- Mais encore ?

- Je dirai une jeune maman qui s’apprête à aller chercher ses enfants à l’école, une institutrice en voyage de classe avec des boutonneux tourmentés, une représentante en objets religieux, la secrétaire d’un patron peu porté sur la rigolade … et si tu te rajoutes une serviette en cuir à un jeune médecin en visite dans une maison de retraite pour vieillards lubriques.

Elle rit de nouveau de son rire plaisant comme le chant du torrent dans l’après midi d’un été torride.

Elle vient s’assoir sur mes genoux et passe un bras derrière mes épaules pour se tenir. Son parfum entêtant m’enivre les sens. Je n’esquisse aucun geste intime. Elle fouille mon regard avec le sien :

- Finalement, dit-elle, d’une voix touchante, nous deux, on se connait peu !

- C’est vrai. Tu vis tellement dans l’ombre de l’éblouissante Laure.

Un petit rire la secoue avec grâce :

- Tu crois ? Elle est si éblouissante que cela ?

- Oui. Et puis vous vous ressemblez tellement.

- Que veux-tu dire ?

- Et bien que lorsque l’on vous voit l’une à côté de l’autre on a l’impression de voir la même personne. Si bien qu’on s’intéresse davantage à Laure parce que c’est elle qui se met le plus en avant de vous deux et que, forcément, on oublie celle qui se trouve à côté, comme si c’était un modèle plus petit, avec moins d’option. Tu comprends ?

Elle pouffe :

- Tu nous compares avec les dernières nouveautés de chez Peugeot ?

Je fais une moue indiquant qu’il y a un peu de ça.

- Donc, reprend-elle sans se vexer le moins du monde, je suis comme Laure avec moins d’option, moins de qualité, moins de performance …

Je fais non de la tête en essayant de me rattraper :

- Pas des choses en moins, non, des choses différentes.

- Oh, fait-elle avec une surprise amusée, et quelles sont ces différences ?

Je reste un peu dans le vague pour donner un peu de mystère à des propos idiots ;

- Je ne sais pas trop ! Je suis justement venu ce soir pour les découvrir.

Elle rit avec l’éclat du champagne quand il jaillit de la bouteille, saute de mes genoux :

- Je vais voir mon four !

 

Plus tard nous sommes attablés l’un en face de l’autre, éclairés seulement par deux grandes bougies plantées dans des supports en étain. Sur une nappe d’un blanc immaculé je l’ai aidée à disposer sa plus belle vaisselle, des assiettes Haviland numérotées, blanches avec un fond rose et un liseré d’or, des couverts en argent massif de chez Liberty, des verres en cristal d’Arques, bref une réception grand-siècle.

Du coup cette ambiance feutrée déteint sur nos comportements et nous ressemblons à deux cousins de bonne famille qui conservent entre eux des distances respectueuses malgré une réelle complicité affective.

 

Nous parlons de choses et d’autres, sans que je parvienne à mettre sur la table le sujet qui me travaille l’esprit depuis que m’a pris en fin d’après-midi l’idée de venir chez elle. Faut dire que ce soir je vois Sophie sous une facette que je ne lui connais pas. Elle me rappelle Cécile. Une jeune femme élégante, douce, soignée, raffinée, délicate, rêveuse, prévenante, serviable avec des gestes exquis. La parfaite maîtresse de maisons dévouée à ses invités et pas du tout avec des airs d’abrupte sauvage qui ne demande qu’à se faire culbuter sur un tapis, qu’elle affecte chez Laure ou en sa présence.

Je lui en fais la remarque :

- Ce soir, tu es différente de la Sophie que je connais, celle qui vit dans les jupes de Laure.

Elle sourit avec un petit air narquois :

- Dans ses jupes ou sous ses jupes ?

Je passe outre cette remarque pleine de suggestions :

- Je veux dire que tu n’es plus la même quand elle n’est pas là.

Elle pose ses coudes sur la table, joint ses mains et pose dessus son délicieux menton à l’arrondi parfait :

- Je devine Charles les questions que tu te poses et je m’étonne même que tu ne les aies pas posées plus tôt, depuis le temps qu’on se connait. … Laure et moi, c’est une grande histoire et n’en déplaise aux gens coincées par la courte vue de leur esprit, une histoire d’amour.

- Attention, s’écrie-t-elle avec une fougue nouvelle, je parle d’amour pas de sexe ! … Ne me fais pas l’injure toi que j’estime et que je considère comme quelqu’un d’intelligent et de compréhensif à l’égard du genre humain, de ne voir là dedans que coucheries malsaines, lècheries de lesbiennes de bas étages ou autres activités perverses dont on me ressasse les oreilles depuis des années malgré mon jeune âge. Laure et moi nous nous connaissons depuis notre enfance, nous sommes plus liées que deux sœurs, plus unis que le plus amoureux des couples, chacune se retrouve entièrement dans l’autre, nous sommes le clone exacte de l’autre pour reprendre un mot à la mode.

- Tu donnes pourtant l’impression de vivre complètement sous sa coupe, qu’elle est le maître et toi l’esclave.

- L’impression ! … Tu as dit juste, c’est bien le mot qu’il faut. Vingt ans qu’elle et moi on se connait, vingt années parmi les plus importantes d’une vie humaine, celles de l’enfance et de l’adolescence. Réfléchis un peu et tu comprendras tout ce que cela peut apporter à une amitié, une complicité entre deux êtres qui s’entendent parfaitement parce qu’ils se ressemblent, et pas seulement physiquement.

- Deux êtres qui se ressemblent et qui …. s’aiment ?

- Forcément ! lâche-t-elle comme une évidence avant de s’empresser d’ajouter :

- Mais je te l’ai déjà dit tout à l’heure, ne voit pas là qu’une banale histoire de sexe ! Laure et moi, c’est bien plus que cela !

- Mais c’est aussi cela ?

- Oui, ne me dis pas que tu l’ignorais !

 

Le silence tombe sur nous comme la guillotine sur le cou du condamné. Le légendaire sourire de Sophie disparait dans les ombres que font danser autour de nous les flammes des deux bougies. L’aveu est tombé, confirmation de ce que je me doutais, réalité évidente que je fuyais ?

Nos regards se croisent et s’interrogent. Je devine Sophie bien campée sur ses positions et à la première réflexion désobligeante, elle ruera dans les brancards et me chassera de chez elle.

Elle pose doucement sa main sur la mienne avec une gentillesse sincère.

- Cela te choque ? demande-t-elle dans un murmure.

Je laisse mes yeux dans les siens et je fais non de la tête :

- Je réfléchis.

- Laure ne t’a jamais parlé de ça ?

- Non. … Laure ne me parle jamais d’elle.

- Et bien je vais le faire, dit-elle en tendant son verre pour réclamer du vin sur son fromage.

 

Cette fois je fais oui de la tête et je la laisse parler.

Elle et Laure se sont connues au jardin d’enfants d’une école de la rue de la Pompe. Elles se sont tout de suite bien entendu et leurs parents se connaissaient un peu surtout leurs deux mères qui se voyaient aux sorties d’écoles puisque leurs ainés respectifs y étaient déjà. Le père de Sophie étant un haut fonctionnaire à la préfecture de la Seine, avant même que ce département ne soit découpé dans la configuration qu’on lui connaît aujourd’hui. Dans les premiers instants qui suivirent leur première rencontre, une réelle amitié naquit entre les deux filles, amitié qui ne fut jamais prise en défaut par la suite.

Un beau jour les parents de Sophie quittèrent le seizième arrondissement pour s’installer à Vaucresson, ville où ils habitent encore. Sophie refusera de quitter le Lycée Molière où elle est scolarisée en 5° avec Laure, nous sommes alors en 1975 et les deux filles sont âgées de douze ans. Vaucresson étant un peu trop éloigné de ce Lycée, les parents s’accordent entre eux pour que Sophie passe plusieurs nuits par semaine avenue Kléber et naturellement elle s’installe dans la chambre de Laure. Arielle aussi habite avenue Kléber, une petite chambre et c’est elle qui assure la marche de la maison quand les parents sont absent ce qui revient souvent.

Arielle et Laure sont très liées, liaison dont Sophie sera un peu jalouse. Des rapports troubles s’installent entre elles trois, surtout quand elles sont seules puisqu’à cette époque Gilles est pensionnaire dans une école suisse pour des raisons que Sophie a toujours ignorées.

Un beau jour Arielle disparait, son Père associé à celui de Laure est rattrapé par la Justice pour un scandale, il fait faillite et finit par se suicider. Là-dessus Gilles revient de pension où à vingt ans il a enfin décroché un diplôme lui ouvrant les facultés de Paris. Il s’installe avenue Kléber et très vite l’inévitable se produit, il devient l’amant de Sophie lycéenne de seconde, âgée de 15 ans.

- Le premier, précise-t-elle avec une vraie tendresse.

 

Cette première fois, Laure, qui a déjà connu cette expérience quelques mois plus tôt durant l’été 1978 avec une rencontre de vacances, est présente, comme elle sera aussi présente la plupart des nombreuses fois qui suivirent.

 Je n’ai pas besoin de dessin supplémentaire pour imaginer la scène. Entre Laure et son frère existent depuis l’enfance des jeux pervers que Gilles m’a déjà racontés durant de longues nuits d’ivresse et dont je n’ai jamais pu tirer le vrai du faux.

- Et avec Gilles, ça dure encore ?

- Oui, dit-elle avec l’assurance du témoin qui se libère des vérités qui lui pèsent, mais de plus en plus rarement ! C’est certes un amant merveilleux mais il devient pénible en vieillissant.

- C'est-à-dire ?

- Gilles est un malade, tu le sais parfaitement depuis le temps que tu le fréquentes !

Elle n’a pas tort :

- Et Laure ?

Elle soupire, se lève pour aller chercher le dessert. De la cuisine elle élève la voix :

- Je suis moins riche que je pensais en sorbet ; je n’ai que du cassis, ça te va ?

 

Le cassis me va bien, je prends deux coupelles en argent qu’elle a préparées à l’avance et je la rejoins dans la cuisine. Elle emplit de sorbet les deux coupelles, remise le bac de cassis dans le congélateur et nous retournons dans la salle à manger où elle reprend son récit là où elle l’avait laissé.

- Laure, comme son frère, a des circonstances atténuantes. Leurs parents ont toujours mené une vie de débauche depuis des lustres. Ils ont été élevés dans cette ambiance même s’ils ne participaient pas aux soirées spéciales dont leurs père et mère étaient friands.

 

Et j’ai droit à un large éventail des racontars qui me sont souvent revenus aux oreilles mais que cette fois je ne mets plus en doute. Un catalogue précis de tous les fantasmes qui peuvent naître dans l’esprit de tout un chacun quand on évoque le sujet : orgies, sauteries collectives, soirées échangistes, j’en passe et des meilleurs, amusements récréatifs pour bourgeois licencieux en manque d’imagination.

L’âge et plusieurs enquêtes des mœurs ont freiné les fêtes ces dernières années et ont obligé les parents à se retirer en province. A la fin je pose la question qui parait évidente à toute personne saine de corps et d’esprit, catégorie à laquelle je ne pense pas appartenir :

- Pourquoi veux-tu, ma chère Sophie, que j’épouse ton amie Laure, descendante de parents dégénérés, lesbienne doublée d’une incestueuse ?

- Oh, c’est vite dit ça ! … Rien ne prouve que Gilles et Laure aient le même père, il n’est même pas certain que leur mère le sache. Il suffit de les regarder pour émettre des doutes justifiés.

- Et personne au monde ne les connait mieux que toi.

- Oui, Charles, même pas leur propre mère ! Ceci dit, Laure t’aime bien, elle a besoin de toi pour échapper à tout cela. Quelqu’un qui ne la juge pas, qui la comprenne, qui l’accepte telle qu’elle est, quelqu’un qui la protège contre les autres et contre elle-même.

- Ca ne suffit pas pour faire un mariage solide.

- Ne parle pas comme un livre, tu sais bien que rien n’est rose dans la vie.

 J’incline doucement la tête, pour approuver ses dires :

- Non, … mis à part les ballets ! … Et tes fesses !

 

Elle laisse échapper un rire gentil qui ressemble au chant d’un oiseau :

- C’est bien dit-elle, quand elle est calmée, tu plaisantes, ça prouve que tu ne fais pas un scandale de cette réalité navrante.

- Non, ce n’est pas mon affaire mais la votre ! Je ne veux pas m’en mêler, une chose est sûre c’est que je n’épouserai pas Laure et pas seulement à cause de ce que tu m’as révélé ce soir. Je n’y tiens pas et elle non plus.

- Ne crois pas cela ! … Elle t’aime réellement et plus qu’elle ne s’en doute elle-même.

D’un geste énervé j’envoie balader ses deniers propos :

- Elle ne s’est jamais intéressé à moi, elle ne me pose jamais de questions sur moi, sur ce que je fais, sur ma famille, sur mes envies, et elle refuse de venir chez moi quand je l’invite. Elle ne me fait la conversation si je daigne me déranger pour passer la voir, dès que je ne suis plus avenue Kléber je n’existe plus pour elle !

- Tu te trompes Charles …. Comment te dire ça ? … En un mot, tu lui fais peur ! … Tu l’attires car tu ne ressembles en rien aux gens qu’elle fréquente, les gens de son milieu, milieu que tu n’aimes pas. Tu es reposant, calme, sans histoire, affectueux, patient et compréhensif, présent quand elle a besoin de toi. Tu es son refuge dans la vie de dingues qu’elle mène.

- Et elle, qu’est ce qu’elle est sensée m’apporter ?

- Et bien c’est une belle femme, riche, intelligente qui peut t’offrir une vie de dilettante en fréquentant des gens qui comptent.

- Des gens qui comptent quoi ? Leurs millions planqués en Suisse ? Franchement, ce n’est pas ma tasse de thé !

- Des gens importants, je voulais dire. De toute façon, elle ne t’imposera jamais rien, ce n’est pas son genre. Mais réfléchis, si tu l’épouses, elle t’assure une vie confortable où tu n’auras pas besoin de travailler. Tu pourras même dépanner les gens que tu aimes si tu y tiens !

- Et je la partagerai avec Gilles et toi ? Non merci !

- Pas Gilles ! Elle voudrait justement se défaire de l’emprise qu’il a sur elle.

- Rien ne l’oblige à vivre avec lui.

- Si, ses parents. Elle doit veiller sur lui. Et puis d’autres choses encore.

- Quoi donc ? Des histoires de mœurs dépravées ? … Epouse le toi, comme ça il débarrassera le plancher.

 

Je sens que je m’énerve et elle s’en rend compte. Elle joint nos deux mains et elle me sourit avec une tendresse qui me fait fondre :

- Ne t’énerve pas Charles, changeons de sujet. Si on allait se promener ? Il n’est pas très tard encore et la nuit est douce. Allons du côté de la Tour Eiffel, c’est à deux pas ! Ca te dit ? Tu rentreras après.

 

Et voilà comment nous nous retrouvons tous les deux sur le Champ de Mars. Il est 23 heures et du monde grouille encore entre les pieds de la veille dame, haut lieu touristique parisien. Sophie m’a pris la taille et nous déambulons lentement au milieu d’un monde multicolore et bruyant. Nous ne parlons plus, Sophie chantonne un air à la mode et semble heureuse, l’esprit dégagé, prenant la vie du bon côté. Je me laisse guider et je réalise soudain que j’ai complètement oublié Flora. J’aurais pu au moins l’appeler pour ne pas qu’elle s’inquiète

Sophie m’emmène vers la Seine le long de laquelle traîne quelques couples en recherche d’intimité. Nous marchons un petit moment sur un chemin de pavés assez sombre. Elle s’arrête pour s’assoir sur un banc de pierre et nous regardons passer un bateau-restaurant où des gens heureux dînent tranquillement au son d’une musique douce. Au dessus de nos têtes nous percevons difficilement les étoiles dans le ciel noir car les lumières de Paris nous gênent. Sophie se colle à moi, se penche sur mon visage et m’embrasse longuement en un baiser radieux que je déguste avec un réel plaisir.

Quand elle se détache de moi elle murmure :

- Merci, Charles, j’en avais tellement envie depuis toutes ces années !

- Nous ne dirons rien à Laure.

Elle hausse les épaules tout en ébouriffant mes cheveux :

- Je ne déteste pas les femmes mais, à la différence de Laure, je préfère les hommes ; et de tous tu es celui que j’aime le plus.

Je souris tout en faisant une mimique indiquant que je n’en crois pas un mot :

- Et Gilles ?

- Gilles, c’est autre chose. Il me tient, comme Laure.

- Par le fait d’être un amant extraordinaire ?

- Non !

- Par quoi d’autres ?

Elle reste silencieuse tandis que de folles suppositions jaillissent dans mon crâne en furie.

A mon tour je l’embrasse avec tendresse. Elle répond avec ardeur et m’entoure de ses bras fragiles et tremblants. Je la saisis dans mes bras pour une étreinte bouillante qui nous laisse transpirant et échevelés. Je la hisse sur mes genoux et caresse ses jambes au dessin délicat.

Dans un souffle, je l’encourage :

- Je t’écoute.

- Je te dois la vérité, dit-elle, car tu comptes beaucoup pour moi ! En vérité, je t’aime depuis longtemps mais je n’ai jamais eu l’intention de disputer à Laure. Te voyant baver et te consumer de désirs devant elle je n’ai jamais pensé que j’avais la moindre chance de te plaire. En plus, nos jeux idiots avec Laure lors de ses fameux mercredis n’arrangeaient pas ma cause. Comme son frère, Laure a un besoin vital de provocations, de chercher à s’imposer aux autres, de les humilier, de les ramener plus bas que terre. Ce sont deux orgueilleux écorchés. Mais Laure a de réels moments de tendresse, de sagesse, de calme de douceur. Je sais que ça peut paraitre idiot, mais c’est comme ça.

Gilles au contraire est un crétin fini, un abruti dangereux ! Je sais qu’il essaie de passer pour ton ami mais sans Laure il y a longtemps que tu aurais cessé de le voir. Je me trompe ?

- Non !

- Oui nous avons eu souvent des soirées complètement débridées où nous étions complètement ivres et l’esprit enveloppé de brouillards artificiels. Laure et moi ne savions plus ce que nous faisons, mais Gilles le savait bien lui ! Non pas qu’il picolait ou se droguait moins, bien au contraire, mais il avait une meilleure résistance que nous. Et ce salaud en a profité pour prendre des photos et des films où nous apparaissons nous et d’autres d’ailleurs, dans des scènes pouvant hautement porter préjudices à notre image personnelle et à notre réputation.

- L’ordure ! Du chantage ?

- En quelque sorte, oui !

- Sur sa propre sœur ! … Il vous demande de l’argent ou d’autres trucs dégueulasses ?

- Non, il ne demande rien, en fait ! Il nous rappelle seulement de temps en temps qu’il possède ces photos et que nous devons rester à sa disposition. Mais il est possible qu’il fasse chanter d’autres personnes.

- Qui ?

- Des amis de Laure et moi. Amis des deux sexes ! Tout le monde reste assez discret là-dessus.

- Et vous ne pouvez pas le prendre à ses propres armes ? Vous n’avez rien de compromettant sur lui, quelque chose permettant de rétablir un équilibre ?

- Il est imperméable à ce genre de choses et tout le monde sait dans son entourage que c’est un malade. Il distribue même des photos de lui à poil.

- Ca ne pourrait pas lui nuire dans son travail, ses relations avec ses collègues, ses amis, que sas-je encore ?

- Il ne travaille plus. Il a démissionné de tous ses postes dans leurs entreprises familiales. Il écrit juste des conneries dans un magasine pseudo littéraire ! On le voit quelques fois dans des boites à la mode ou des clubs privés mais là sa réputation de pervers n’est plus à faire.

- Et Laure, qu’en dit-elle ?

- Elle dit que ce n’est qu’un jeu, qu’il ne s’en servira jamais contre nous deux.

- Mais ça ne l’empêche pas de se plier à ses caprices ?

- Il faut reconnaitre qu’ils sont de plus en plus espacés. En fait il ne s’intéresse guère à nous maintenant. Il prend ses plaisirs ailleurs.

- Même avec toi ?

- Oui, dit elle avec un soupire qui me méprend.

- On dirait que tu le regrettes ?

- Non, ce n’est pas ça du tout ! Mais il dispose d’un double de la clef de mon appartement et il peut débarquer à n’importe quelle heure de la nuit. C’est déjà arrivé.

- Souvent ?

- Non, il n’y a rien de régulier dans ses visites.

- Et sans prévenir ?

- Sans prévenir.

 

Qu’y a-t-il de vrai dans tout ce que Sophie vient de me raconter ? Ca recoupe l’idée que je m’étais faite des relations tordues entre le frère et la sœur, même si je n’avais pas poussé jusque sur un éventuel chantage. Le ton de Sophie m’a paru sincère, et ce depuis que je l’ai appelé en début de soirée sur le trottoir devant le salon de thé. Ce soir elle est toute transformée, ce n’est pas la Sophie que je vois habituellement chez Laure. Laquelle est la vraie ?

Elle frissonne et recherche à nouveau mes lèvres que je lui offre volontiers. Une main glissée sur ses jambes nues tente de la réchauffer. Finalement elle se dégage de mes genoux pour se lever et me tend la main :

- Viens, Charles, rentrons !

 

J’obéis enclin à lui donner le bénéfice du doute dans cette nuit pleine de surprises. En chemin, elle reprend son chantonnement joyeux comme si cette douce soirée la délivrait de ses démons. Néanmoins je ne m’estime pas satisfait :

- Et les soirées du mercredi chez Laure, vous jouez à quoi quand tu te promènes les fesses nues sous des jupettes en cuir ?

- C’est de la provocation pure et simple.

- C’est pour me provoquer qui ? Moi ?

- Non, toi on t’aime ! La dernière c’était à cause d’Anne qui devait annoncer son mariage avec Thomas.

- Je ne comprends pas. Une provocation pour quoi ? Par jalousie ?

- En quelque sorte, oui.

- Qui est jalouse et de qui ?

- Laure ; elle a eu une aventure avec les deux. Séparément, je veux dire.

Je soupire lourdement :

- Quel monde !

 

Sophie laisse un rire cristallin et frais s’envoler dans la nuit :

- Ce soir là, j’étais sensée donner des remords aux deux.

- Je ne me suis aperçu de rien.

- Je n’ai guère fait d’efforts, je n’étais pas très motivée.

- Pourquoi jouer à ces jeux à la con ?

- Pour être agréable à Laure. Ses petites folies m’amusent.

- Mais ce soir là ça ne t’amusait pas ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Parce que tu étais là.

 

Je ne relève pas.

- Tu n’étais donc pas ou plus jalouse d’Anne et Thomas ?

- Laure est mon amie pas ma maitresse ! Elle fait ce qu’elle veut avec qui elle veut. Je n’ai jamais été jalouse de ses coucheries à droite à gauche.

- Mais vous couchez ensemble, cependant ?

Elle rit doucement et serre ma main dans la sienne :

- Mon pauvre Charles, tu ne comprends rien à notre histoire !

- Non, et en plus tu m’embrouilles à plaisir.

Elle rit à nouveau et regarde droit devant elle pour répondre :

- Non, j’essaie au contraire de t’expliquer !

 

Nous arrivons devant la porte de son immeuble. Persuadé qu’elle se joue encore de moi, je suis décidé à la laisser monter seule et à rentrer chez moi. Je dépose sur ses joues les quatre bises d’usage et lui souhaite une bonne nuit. Mais elle me retient fermement par le pan de ma veste et je sens son souffle court et chaud courir sur mes lèvres pendant qu’elle murmure :

- Monte, Charles ! Ne sois pas con !

Elle se love contre moi et se saisit de mes lèvres pour un long baiser plein de passion retenue.

Quand elle est suffisamment rassasiée elle s’empare de ma main et m’entraine dans le hall en disant :

- Viens au moins prendre un dernier verre !

Je résiste en me retenant à la porte d’entrée :

- Tu n’as pas répondu à ma dernière question.

- Viens et tu sauras tout !

 

 

 

 

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Salle des pas perdus
  • Journal au jour le jour en 1988 d'un jeune homme seul qui erre dans le monde et dans sa vie et rebondit comme une balle sur un mur, de femmes en désillusions, de cuites en faux espoirs, poursuivi par le fantôme de son amour mort à 18 ans.
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