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Salle des pas perdus
25 mars 2011

9 avril 1988

samedi 9 avril

Je passe une bonne partie du samedi à traîner au lit et à me nourrir à la bière, obsédé que je suis par Monique et son histoire. Je sens qu’il me faut faire quelque chose pour elle mais je ne sais pas quoi exactement. Je crains aussi de ne pas en avoir le courage. Elle va continuer sa laide et triste vie et je n’ai aucune envie d’être son soleil. J’ai 28 ans, elle 46, difficile de croire que le destin nous a programmé quelque chose.

 

Le soir venu, je sors et monte à Montmartre. C’est là-haut, place du Tertre, que l’automne dernier j’ai rencontré Dora une jeune américaine de vingt trois ans, étudiante aux beaux-arts. Blonde aux formes généreuses, c’est une fille pleine de vie, toujours joyeuse. Je l’ai surnommée «  ma pétillante «. Quand j’ai le cafard ou un coup de blues, je vais la rejoindre. Un samedi soir, je la trouverai certainement sur la place entrain de dessiner le portrait de quelques touristes. C’est là son seul revenu et elle prétend vivre largement avec.

Nos rencontres ont toujours eu lieu en cet endroit ou dans les cafés alentours où il nous arrive de discuter jusqu’à l’heure de la fermeture, tard dans la nuit.

Deux fois je l’ai emmenée au théâtre parce qu’elle disait aimer cela. Mais il n’y a rien de plus entre nous, strictement rien. J’ignore où elle habite et si je ne lui avais pas donné mon adresse et mon téléphone, elle ne me les aurait jamais demandés.

 

Sa conversation m’enchante. Son côté volubile, son sens pratique, son habileté à réduire à rien les difficultés de la vie agissent sur moi comme un fortifiant. Chaque fois, je la quitte avec le moral au beau fixe. Pour elle, rien n’est un problème. « Le problème, dit-elle, est un mirage ; on croit le voir alors qu’il n’existe pas. Il naît de la peur de l’homme qui hésite chaque fois qu’il se trouve confronté à un choix. Celui qui est sûr de lui rencontre moins de problème que les autres «.

 

Elle est bien là, posée sur son siège de toile, en train de «  croquer « une grosse femme de 60 ans, la tête bouffie, le cou boudiné et cerné d’un énorme collier qui trouve même le moyen de briller dans la nuit, mais qui est certainement faux. Enfin, j’imagine.

Elle m’aperçoit et m’adresse un signe de la main. Je l’attends en frissonnant ; un petit vent frais court sur la place. Elle se débarrasse enfin de sa cliente, fait comprendre à un couple de Hollandais qu’elle est désolée mais qu’elle a terminé pour aujourd’hui et me rejoins en me claquant deux bises sur les joues et m’entraîne dans le bar le plus proche.

A cette heure, il est plein et bruyant, composé d’une clientèle très variée, des étrangers pour la plupart. Nous peinons pour trouver une table libre :

- Vous avez vôtre tête des mauvais jours, dit-elle en s’asseyant.

Elle parle un excellent français sans accent.

- J’ai beaucoup de mauvais jours !

- Vous savez qu’ils n’existent que parce que vous le voulez bien.

Je ris :

- C’est sans doute vrai, Dora, et je viens me chauffer sous votre soleil pour qu’il dissipe les nuages qui flottent au-dessus de moi.

- C’est à cause de mes cheveux que vous évoquez le soleil ?

- De vos cheveux qui en ont la couleur mais aussi de votre tempérament qui en a l’éclat et la chaleur.

- Vous êtes bien aimable !

Elle commande un tilleul et moi une bière brune.

 

Dora connaît presque tout de ma vie ; ma famille, mes amis, mon travail, mes amours, mes soucis, mes espoirs. Je lui parle comme à une confidente ; elle m’écoute et je la sens se passionner pour mes débats intérieurs.

- Comment va Laure ? demande-t-elle.

- Au plus mal ! Elle est heureuse !

- Elle va épouser son avocat ?

- Je le crains.

- Je l’ai vu l’autre soir à la télé, j’avoue qu’il ne manque pas de charme.

- Je vous en prie, Dora ! … J’entends cela toute la journée !

- Excusez-moi ! … Croyez-vous qu’il vous soit supérieur ?

Je bondis :

- Certainement pas ! … La seule chose où il me dépasse, c’est sur le revenu en fin de mois !

- Vous savez que ça compte aux yeux d’une femme, autant que la beauté pour un homme !

- L’amour est aveugle ! Il ne voit ni la beauté, ni le relevé de banque !

Dora éclate de rire et comme d’habitude, quand elle rit, plusieurs tables se retournent :

- Mais non ! S’exclame-t-elle ; c’est l’inverse ! C’est parce qu’il est ébloui par la beauté ou le relevé de banque que l’amour devient aveugle !

 

Elle a toujours raison. J’ai beau essayé de la prendre en défaut, en vain ! Elle a une réponse pour tout. Néanmoins, je continue :

- Dans ce cas, comment font les aveugles pour aimer ?

- Eux c’est diffèrent, ils voient avec leurs mains !

Cette fois, je n’ai plus rien à rétorquer. C’est le seul côté agaçant que je lui connais, celui d’avoir sans cesse le dernier mot.

- Vous aimez toujours Laure, n’est-ce pas, reprend-elle.

- Oui, plus que jamais !

- Alors comment pouvez-vous la laisser épouser un homme qui vous est inférieur ?

- Je ne sais pas faire bouger les choses. Et puis Laure le préfère à moi, que voulez-vous que j’y fasse ?

- Mais la faire changer d’avis, pardi ! Tonne-t-elle. … Le choix du conjoint engage toute la vie, ça mérite qu’on s’y attarde et qu’on fasse des efforts.

- C’est toujours facile de donner des leçons mais de là à les mettre en pratique, il y a un monde.

- Si vous vous résignez à la voir épouser cet avocat c’est que vous ne l’aimez pas suffisamment ! Votre comportement est révélateur.

Je soupire comme un vaincu :

 - Vous qui êtes pleine de bonnes idées, dites-moi ce que je dois faire.

- Dites-lui que vous l’aimez à tout instant de la journée, envoyez lui des fleurs, interdisez-lui de voir son avocat, au besoin enlevez la … Je ne sais pas moi ; ce ne sont pas les solutions qui manquent ! … C’est vous qui n’êtes pas à la hauteur, c’est pour ça qu’elle préfère l’autre !

- Vous êtes dure avec moi ! Si vous croyez que je n’ai pas tout essayé. Je vais la voir au moins un jour sur deux. Il y a deux jours elle m’a embrassé sur les lèvres pour la première fois et ...

- Et bien, explose-t-elle, c’est formidable ! Vous progressez ! … Avez-vous aussitôt appelé l’avocat pour l’informer de ce baiser,

- Bien sûr que non ! Je ne veux pas mettre Laure en difficulté vis-à-vis de lui.

Elle me dévisage, stupéfaite :

- Je ne vous comprends pas ! … Vous cherchez quoi ? … Une place de témoin lors de leur mariage. … Le droit de préparer leur lit pour la nuit de noces … Elle vous a embrassé pour la première fois mais si vous l’aimiez tant que ça aujourd’hui vous devriez en être à la millième fois !

- Vous croyez …

- Ou alors c’est que Laure et tout ce qui l’entoure vous effraie.

- Comment cela ?

- Laure, sa famille, son milieu, sa fortune, son mode de vie, ses pensées tout cela vous fait peur. Vous arrivez sur une planète inconnue qui vous est totalement étrangère, il est normal que vous avanciez à pas prudents. C’est compréhensible. … Si c’est le cas, emmenez Laure dans votre monde. Là vous aurez vos repères et vous saurez la convaincre de votre amour.

- Elle ne veut pas venir chez moi.  

- Je ne veux pas dire seulement chez vous. Faites lui connaître vos amis, votre famille, votre travail, votre univers. Ce n’est pas normal que vous cloisonniez ainsi vos relations. Venez ici avec elle un soir vous verrez comme elle sera différente et réceptive à vos déclarations d’amour. 

- C’est une idée.

- Bien sûr que c’est une idée et une bonne par-dessus le marché. Ce qui me désole c’est que vous ne l’ayez pas eu vous-même.

- Et si elle refuse de venir ?

- Et si elle accepte ? Et si ma Tante en avait ? Et si et si et si ! … Vous êtes pénible à la fin ! Pourquoi envisager qu’elle ne viendra pas. Si vous voulez vraiment qu’elle vienne enlevez-vous cela de la tête. Elle viendra parce que vous avez décidé qu’elle viendrait ! Il n’y a rien d’autre à dire !

- Vous en avez de bonnes ! On voit que vous ne la connaissez pas.

- Si elle hésite, emmenez là de force ! Quand les mots sont impuissants, il faut passer à l’acte !

- Vous en avez beaucoup de maximes comme ça ?

Ce trait d’ironie la pique un peu :

- Oh ne faites pas le malin ! Vous ne connaissez rien de la vie, rien des gens ! … Un être à mille côtés, mille facettes. Il y a toujours un endroit où on peut le pénétrer ! … Je parle de son esprit, idiot ! … Ces milles facettes c’est ce qui en fait sa richesse. Il est continuellement plongé dans ses contradictions qui le désespèrent alors qu’il devrait s’en amuser !

Cette fois je la fixe d’un œil sévère :

- Je ne connais rien de la vie ! … Elle est bien bonne celle-là ! Je vais vous en faire voir de la vie moi et vous me direz vous, ce que vous en connaissez !

Et je lui raconte Monique, sa vie, son mariage, son taxi, ses enfants, son sac vide … Ce qui est plaisant avec Dora c’est que même si elle parle beaucoup elle sait écouter.

 

A peine ai-je achevé mon récit qu’elle a déjà tout enregistré, analysé, trié, classé et tranché. Elle prononce son verdict :

- Bien sûr, dit-elle, c’est une histoire tragique ! … Chacun de nous, dans ce qu’il a vécu, a forcément connu un drame. C’est la vie, comme on dit. Mais la vie c’est aussi autre chose. Pourquoi ne retenir que cela et s’y complaire dedans. Il y en a qui aime le malheur comme d’autres aiment la douleur, c’est une sorte de masochisme. Il ne faut pas plaindre ceux qui se laissent submerger par le mauvais sort, il faut leur botter les fesses.

- Vous ne pouvez pas nier que le destin s’est acharné sur cette malheureuse, que diable !

- Le destin ce n’est qu’un train qui passe ; ou bien on court pour le rattraper ou bien on reste sur le quai ! La vie est aussi simple que çà ! … Le destin il faut le prendre par la peau du cou et le dompter. Il n’y a pas de chance ou de malchance il n’y a que des adroits et des maladroits.

Je hausse les épaules ; comment peut-on imaginer que l’existence se résume à une telle simplicité ?

- Adroit ou maladroit dites-vous ! Certes ! Mais choisit-on son camp ? … N’est-ce pas le destin qui nous y place d’office ?

Un large sourire s’épanouit sur ses lèvres. Elle prend son temps pour réfléchir mais je suis enfin parvenu à marquer un point qu’elle m’accorde non sans panache :

- C’est vrai, reconnaît-elle, nous ne pouvons pas gérer tous les paramètres qui nous entourent ni les humeurs de la vie. Nous ne sommes que des marionnettes dont un Dieu insouciant tire les ficelles sans aucune logique mais nous avons suffisamment d’intelligence pour décider de nos actes et de liberté pour les mettre en mouvement. Il manque souvent à l’homme un peu de volonté pour les pousser jusqu’au bout et de courage pour les assumer. … Vous ne croyez pas ?

- Résumé de la sorte c’est limpide ! Je me demande d’où vous tenez tout cela. Un professeur de philosophie près de la retraite ne fournirait pas autant d’arguments que vous !

- C’est un compliment ?

- Bien évidement !

- Dans ce cas, je vous remercie ! … En ce qui concerne votre amie, elle aurait du dire à son fils dès le premier jour qu’elle se servait dans son sac. Ca ne sert à rien de cacher des vérités qui tôt ou tard sortiront du puit. C’est tellement plus simple et plus reposant de les exposer clairement au jour le jour. N’oubliez pas que les menteurs doivent entretenir leur mémoire et se torturer l’esprit à toujours être en phase avec les mensonges qu’ils racontent. Quel casse-tête ! J’imagine qu’ils ne doivent pas vivre vieux.

 C’est une vraie jubilation de l’entendre ainsi :

- Je crois qu’il n’y a rien de plus reposant au monde que vous, Dora ! Dix minutes près de vous et on guérit de tous nos maux ! Mieux qu’une ville thermale ! Si la sécurité sociale examinait votre cas, elle pourrait faire de sacrées économies. Je vous nomme Miss Réponse à Tout tellement il n’y a rien que vous ne laissiez sans réponse.

- Cessez de faire le clown ! Si j’ai réponse à tout et surtout à vos questions c’est simplement que je me les suis déjà posée.

Elle vient de baisser sa garde ! Pas longtemps, certes, le temps d’un éclair, mais il j’ai bien perçu une faille. Est-ce le tilleul ou l’étrange douceur de cette nuit printanière qui nous enivre ?

Toujours est-il que je m’engouffre dans la brèche comme un chat dans le garde-manger.

Je demande avec l’innocence du bébé qui sort de sa mère :

- En quelles occasions ?

- Mais aux mêmes occasions que le commun des mortels ! … Seulement le commun des mortels ne se les pose pas au moment où il faudrait et votre Monique fait partie du lot.

Je parviens à réfléchir, malgré la bière, malgré la nuit aux effluves ensorcelants.

Dora tourne autour de quelque chose, quelque chose qu’elle veut me faire comprendre ; c’est ainsi qu’elle procède chaque fois qu’elle cesse d’être limpide, comme si elle cherchait à me mettre à l’épreuve, comme si elle souhaitait que je parvienne à la deviner.

En se remémorant notre conversation, je pense avoir mis le doigt dessus :

- Vous voulez parler des questions que Monique aurait du se poser ?

- Oui.

- Qu’elle aurait du se poser au moment où elle traversait des périodes disons … dramatiques ?

- Evidement !  Quand on nage en plein bonheur on se pose rarement des questions !

- C’est exact !

 

Je marque une pause. Dora est sur le qui-vive, tendue, guettant chaque syllabe qui sort de ma bouche. Je ne doute plus d’être sur la bonne voie :

- Si vous, Dora, vous vous êtes déjà posée ce genre de questions c’est que vous avez donc traversé au cours de votre vie une ou plusieurs périodes dramatiques.

- Comme tout un chacun !

- Mais, … je veux dire, … dramatiques comme tout le monde ou … dramatiques dramatiques ?

 

Malgré l’obscurité du bar je devine la brume qui passe sur son visage révélant que son âme souffre en se laissant assaillir de souvenirs douloureux.

- Cà vous intéresse ? demande-t-elle dans un souffle.

Je réponds dans un murmure :

- Oui, absolument !  … Je ne connais rien de votre vie et je suis désormais trop attachée à vous pour me contenter du peu que vous me laissez.

Alors, dans un doux mouvement gracieux empli d’une infinie tendresse, elle glisse une main dans la mienne et oscille lentement sa tête de droite à gauche

- Vous êtes très gentil ! Mais je crois qu’il est encore trop tôt entre nous ! Je suis désolée … Plus tard, je ne dis pas mais, maintenant, non ! … Surtout n’imaginer rien de tragique ou d’effroyable ! … Il s’agit seulement d’une époque de ma vie, époque qui s’est mal achevée et qui me pèse encore beaucoup. 

 

Je reste muet, paralysé par cette main qui emprisonne mes doigts. Tout ce qu’elle ne veut ou ne peut pas dire elle le souffle dans ce simple geste bouleversant. Cette main blanche, si soignée, dont il est impossible de penser que quelque chose un jour ait pu la tacher ou l’abîmer, elle est là, accrochée à la mienne comme un moribond à son confesseur, et tente de m’envoyer des mots secrets, des mots d’amour ou d’autres douceurs inconnues.

 

Mais je peux tout aussi bien m’être monté la tête car Dora machinalement retire sa main, comme si elle la sortait de sa poche, pour prendre son porte monnaie dans son sac :

- Il est très tard remarque-t-elle. … Laissez, … vous êtes mon invité !

      

S’est elle aperçue du trouble qui au contact de sa main s’est emparé de moi ou n’a-t-elle mis aucune intention dans son geste comme s’il ne s’agissait que d’un mouvement banal.

Impossible de compter sur Dora pour en être informé. C’est la première fois qu’elle se laisse aller à tant d’intimité, et je suis persuadé que cela ne peut lui avoir échappé. Alors pourquoi cette main abandonnée et rivée à la mienne comme si elle cherchait à me retenir ? Comment parvient-elle à faire passer autant d’émotion dans un geste aussi anodin qui me déstabilise autant que si elle m’avait embrassé à pleine bouche.

Soudain, je me découvre complètement idiot, dépassé par ce qui m’entoure, perdu dans ce monde habituel comme un soir de cuite. Je réalise que je suis inapte à saisir tout ce que Dora essaie de me faire comprendre. J’en reste pétrifié comme sous le coup d’une révélation et j’ai l’étrange certitude que Dora, désormais, me restera éternellement insaisissable et qu’elle perd son temps avec moi.

- Vous venez ? demande-t-elle, avec cette douceur plus efficace qu’un ordre.

 

Dehors, comme à l’accoutumée, elle se dirige vers la tête de taxis qui attendent les derniers touristes jusqu’à très tard dans la nuit. Je ne peux me résoudre à laisser Dora partir ainsi. Au moment où elle se penche sur moi pour m’embrasser sur les joues je lui entoure les épaules et murmure :

- Dora, je crains de ne jamais vous comprendre !

- Ne vous tracassez pas ! … Sachez seulement que suis très heureuse de vous voir et de parler avec vous. Le reste viendra tout seul.

Le reste ? Quel reste ? Je n’ai pas le temps de réagir car elle ajoute aussitôt :

- Et puis il n’y a pas grand-chose d’intéressant à savoir sur moi !

- Mais Dora …

Elle pose sa main sur sa bouche et déclare en riant :

- Maintenant, taisez-vous, vous allez dire des bêtises ! A bientôt !

 

Elle disparaît dans le taxi qui l’emporte tandis que je reste planté sur le trottoir comme un grand nigaud sur les quais de la vie qui regarde les trains du bonheur partir les uns après les autres sans oser monter dedans.

 

     

Je suis trop énervé pour rentrer me coucher maintenant. Il n’est pas encore minuit. Où aller ? La place du Tertre commence à se vider, la fraîcheur de la nuit chasse le monde. La rumeur nocturne du Paris agité parvient jusque dans ce quartier si provincial. De l’autre côté de Montmartre, au-delà du square, s’étend le quartier chaud du Boulevard de Rochechouart avec toute sa faune plus bizarre qu’inquiétante mais peu encline à me surprendre.

Que faire une nuit de printemps à Paris quand on est seul comme moi, si peu sociable et pas toujours disposé à la rigolade ?  Bruno ! je pense soudain à Bruno qui habite rue Ramey. C’est à peine à dix minutes. Avec un peu de chance, il sera chez lui.

Nous nous sommes connus en première à Clermont-Ferrand voilà bientôt douze ans. Après le Bac nous avons suivi ensemble les deux premières années de Sciences éco toujours à Clermont puis Bruno est parti pour Paris où je l’ai rejoint deux ans plus tard, mon BTS de comptabilité en poche, spécialité vers laquelle je m’étais orienté après avoir raté mon deug de Sciences éco.

Quand j’ai débarqué à Paris, un peu perdu dans cette grande ville, Bruno s’est montré ravi de loger son ami de province. Il habitait à l’époque rue de l’Abbé Groult, un grand appartement qu’un ami lui prêtait en échange d’un obscur service sur lequel je n’ai jamais obtenu d’explications franches.

Il m’a initié à la capitale, ses musées, ses jardins, ses expositions, ses bars, ses femmes, ses bordels. En six mois, j’ai tout vu, tout connu, tout conquis. J’avais mes entrées partout. Bruno a une relation mystérieuse avec la ville, sa science de Paris est à la fois prodigieuse et surprenante.

Les études n’étaient qu’un prétexte pour venir sur Paris, je cherchais surtout à  échapper à mes parents qui vivaient ensemble sans se parler et, un an après la mort de Marie, je me sentais incapable de rester plus longtemps sur Clermont et sa région. Les éprouvantes et terrifiantes dernières semaines de sa maladie, sa mort, la désagréable cérémonie des obsèques, cette foule immense en pleurs, le vide qui s’en suivit m’avaient profondément affecté, comme tous ceux qui connaissaient Marie. Je voulais fuir les endroits où elle avait vécu, chanté, dansé et embelli son entourage. Fuir aussi les mois qui suivirent sa mort, cette vie minable,  qui, d’une autre manière, m’était tout autant pénible,

 

A Paris, je me suis inscrit dans un IUT pour tenter de décrocher un diplôme d’expert-comptable et, pour avoir un peu d’argent, parallèlement je remplissais les rayons d’une grande surface le matin de très bonne heure trois fois par semaine. Plutôt bohème ce début d’existence parisienne, alcool et filles faciles. Malgré mon petit salaire, je m’endettais dangereusement auprès de Bruno. S’il m’arrivait de rater quelques cours, en revanche, je ne manquais jamais «  Monsieur Bricolage «  les mardis, jeudis et vendredis à 6 heures du matin. Le travail n’était  pas passionnant mais c’est là que je rencontrai Sandrine, une fille qui ne s’oublie pas.

 

A Noël, j’étais comme mort ! Chez Bruno, impossible de dormir. Du monde débarquait régulièrement à n’importe quelle heure du jour comme de nuit et durant ce premier trimestre les fois où je m’étais couché sans être ivre se comptaient sur les doigts d’une seule main. Bruno, lui, s’en sortait bien puisqu’il parvenait à travailler avec brio ses examens. Inutile de préciser que cette première année d’IUT fut un échec total bien qu’elle m’est permise de rencontrer Olivier. Au mois d’août je partais à Metz effectuer mon service militaire

 

- Tiens, s’étonne Bruno en ouvrant sa porte ; un ressuscité !

Il n’exagère pas ; notre dernière rencontre remonte à plus d’un an.

- Entre, Charles, tu tombes bien ! Il y a de quoi consommer ce soir ; et de l’alcool et des filles.

- Comme au bon vieux temps !

- Ne me fais pas déjà le coup du nostalgique ; t’es bien trop jeune ! … Faut qu’on t’engueule mon cochon ! Tu ne donnes plus signe de vie. Heureusement que grâce à Rémi on a quelques nouvelles.

 

Ils sont six, trois filles trois garçons, affalés sur le tapis du salon, plongé dans une semi obscurité. Une musique de fin du monde fait office de bruit de fond et une bouteille circule de lèvres à lèvres. Je reconnais deux des garçons mais suis bien incapable de leur donner un nom. En revanche, l’une des filles est Miss «  Cala «, de son vrai nom Catherine S. une ex de Bruno qu’il m’avait laissée en charge, avec mission de la consoler.

Tout ce petit monde frise ou a déjà atteint la trentaine et vit toujours comme à l’heure du Bac. Nul n’a semble-t-il évolué si ce n’est d’avoir décroché quelques diplômes qui ne leurs ont ouvert aucune porte. Thierry et Alain, les deux garçons, se rappellent à mon bon souvenir. Le premier après avoir rêvé de réformer la Justice a passé brillamment un concours pour entrer au Trésor Public et Alain après une école de commerce travaille quelque part dans le Groupe Hersant. 

Catherine est mariée depuis un an avec le troisième, un barbu dénommé Stanislas ivre au point de ne plus pouvoir articuler, et après Histoire de l’Art, est parvenue à se faire embaucher au Château de Versailles où elle propose et anime des conférences. «  Un travail passionnant, si tu savais ! «  assure-t-elle. Son mari à l’haleine nucléaire est avocat «  sans déconner ! «  assure-t-elle encore.

 

Je me souviens d’elle comme d’une fille assez jolie, au visage ouvert et agrémenté d’un charmant nez en trompette et de longs cheveux bruns rebelles qui lui tombaient sur les yeux. Elle était sans manière, distraite, envahissante, parlant beaucoup et avait l’incroyable manie de collectionner les gags du genre : claque la porte de son appartement en laissant les clefs à l’intérieur, oublie son sac à mains dans les taxis, se fait enfermer par mégarde dans les administrations, rate sa gare d’arrivée, se trompe de train, tombe en panne avec sa voiture au beau milieu de la place de l’Etoile et d’autres encore …

Elle appelait à toute heure pour être secourue ; Bruno et moi partions sur le champ ravis d’aller découvrir le nouveau malheur farfelu qu’elle venait de découvrir malgré elle. Nous la trouvions généralement en larmes, recroquevillée sur elle-même, se lamentant sur son sort et demandant à Dieu ou à ses concurrents pourquoi ce genre de calamités lui étaient réservés à elle seule en priorité. Elle fut surnommée  «  Miss calamité «  qui fut raccourci par paresse à «  Miss Cala «.

Quand Bruno la remplaça  sans douceur, elle chercha un peu de compassion auprès de moi et nous connûmes une gentille liaison amoureuse, plutôt calme bien qu’elle avait du mal à oublier Bruno. Quand elle comprit que son nouveau compagnon n’était doué ni pour la tendresse ni pour la fidélité elle mit un terme à cette relation ce que j’accueillis avec soulagement. Ensuite je l’ai perdue de vue.

 

C’est une bouteille de Gin qui circule, quand elle est vide Bruno la remplace. La conversation tourne sur les derniers résultats du Paris Saint Germain. Apparemment, j’ai échappé aux élections et à la politique en général qui a du dévier comme d’habitude sur les souvenirs des grèves et manifs de Bruno quand il était étudiant, sujet pesant qui ressemble aux récits de campagnes des anciens combattants.

Stanislas s’est endormi à même le sol et ronfle comme une locomotive à vapeur. Bruno lui botte les fesses pour lui apprendre à vivre ce qui le remet quelque peu d’aplomb. Puis la conversation s’enlise. Une des filles m’entreprend de ses parents qui gèrent des hectares de maïs du côté de Montmorillon et je me surprends à faire un effort pour m’intéresser à ses propos. Elle se prénomme Elsa et va se marier en août avec Thierry. Je la félicite en lui disant que son futur est un garçon droit et travailleur, sans préciser que je viens de l’inventer sur le champ mais d’une part, ça ne peut que lui faire plaisir de l’entendre et, d’autre part, je ne dois pas être loin de la vérité. L’autre fille, Martine, s’est glissée dans les bras de Bruno alors qu’il me semble bien qu’à mon arrivée elle était dans ceux d’Alain.

Ce dernier est plongé dans un vif échange avec Stanislas dont en passant je note le rétablissement spectaculaire. Tout en écoutant Elsa, je tente de suivre leur conversation car j’ai cru entendre un nom de ma connaissance. Et soudain ce nom ressort de la bouche de Stanislas, je ne me suis pas trompé, c’est celui de Jean-Bernard T. le grand dadais à qui Laure réserve ses (futures ?) faveurs.

 

Comme un mal élevé j’abandonne Elsa pour m’incruster dans leur conversation.

- Quel nom as-tu dit ?

- Jean-Bernard T.

- L’avocat ?

- Oui, l’avocat et le fils du grand avocat du même non. Tu le connais ?

J’opte pour la prudence :

- C’est le fiancé de la sœur d’un copain.

Stanislas m’interroge :

- Tu veux parler de Laure G. de C. ?

- Oui, c’est bien d’elle qu’il s’agit.

- Tu connais cette salope ?

Toujours sur mes gardes :

- Je connais surtout son frère Gilles. Nous étions ensemble à l’armée. Depuis nous nous voyons régulièrement.

Stanislas bondit :

- Le frère est pire que la sœur ! Un alcolo de première, doublé d’un pourri vénéneux !

Je me dois de défendre Gilles,  je rétorque brutalement :

- A te voir, j’ai du mal à penser que tu aies quelque chose contre les alcooliques !

 

L’autre fulmine dans sa barbe. Catherine intervient pour éviter que la situation ne s’envenime :

- Jean-Bernard et Stanislas sont les deux meilleurs amis du monde, dit-elle. Ils se connaissent depuis leur classe de sixième à Condorcet. Ils ont fait toutes leurs études ensemble et ont été avocat en même temps. Aujourd’hui Stan est navré de voir son ami entiché d’une fille comme Laure. 

- Qu’est-ce qu’il lui reproche ?

C’est Stanislas qui répond :

- C’est une perverse ! Le genre de femmes dont on devine qu’elles ont violé le médecin-accoucheur le jour de leur naissance ! … Des tas de rumeurs pas propres courent sur elle et pour couronner le tout, elle dirige un club de lesbiennes ! 

- Ce n’est pas un club de lesbiennes, c’est une association féminine qui s’occupe de théâtre.

- Théâtre mon cul, oui ! C’est plutôt partouzes et lècheries ! Interdit aux hommes, ça veut tout dire !

- Au 19° siècle les hommes se rendaient bien dans des clubs où les femmes n’étaient pas désirées ! Ca ne signifie pas qu’ils étaient tous pédés !

 

Stanislas a un geste de la main indiquant qu’il renonce à se faire comprendre ! Elsa et Thierry se lèvent pour partir et Catherine en profite pour tirer son mari. Que cet imbibé connaisse ce grand dadais de Jean-Bernard est une chance que je n’entends pas laisser filer. Je demande à Catherine si je peux profiter de leur voiture pour rentrer chez moi, elle répond par l’affirmative.

 

On s’embrasse, on se serre la main ; je promets à Bruno de passer désormais plus souvent et nous nous retrouvons dehors. Stanislas a du mal à tenir le cap. Catherine prend le volant d’un joli coupé BMW bleu métallisé. Je monte à l’arrière et rencontre quelques difficultés pour glisser ma grande carcasse entre le siège avant et la banquette. Dans la voiture il m’est impossible de remettre Jean-Bernard sur le tapis, Stan est trop bourré. Je propose de boire un dernier verre chez moi ; Catherine prétexte qu’il est bien trop tard mais son mari tranche après s’être informé de l’inventaire du bar :

- OK pour un petit cognac, dit-il.

 

Il en boit trois avant de s’effondrer sur le canapé. Il a tout de même le temps de m’expliquer que si cette salope de Laure gâche la vie de son pote Jean-Bernard il s’occuperait personnellement de lui redonner le goût des hommes !

- Charmant ton mari ! Dis-je à Catherine qui vient d’effectuer un tour de l’appartement.

- Ne pense pas de mal de lui s’il te plait ! Tu ne vois aujourd’hui que son mauvais côté.

- Quand même ! Il a une sacrée descente, on voit bien que c’est un habitué !

- Ne crois pas cela !

- Et mal élevé en plus ! Ecoute-le ronfler !

- Tu n’aurais pas de la tisane ? Du tilleul ou quelque chose comme ça ? … C’est joli chez toi !

 

Cinq minutes plus tard nous voilà assis autour de la petite table de cuisine devant une tasse fumante. J’ai sorti quelques biscuits. Nous nous dévisageons en silence et toute une époque remonte de nos deux mémoires pour éclore au beau milieu de cette table.

Les traits du visage de Catherine ont mûri, ils ont perdu ce petit coté enfantin que j’avais aimé. Je calcule qu’elle doit avoir maintenant 28 ans et que notre petite aventure date déjà de quatre ans. La table de cuisine n’est pas très large et Catherine a peu d’efforts à fournir pour que sa main vienne caresser ma joue un peu râpeuse :

- J’ai gardé un bon souvenir de toi, murmure-t-elle.

C’est un exploit car parmi les filles que j’ai fréquentées peu ont du arriver à cette conclusion.

Nos mains sur nos deux peaux, ces visages si près l’un de l’autre qui se reconnaissent et se plaisent encore, l’alcool, la fatigue, la douceur d’une nuit pas comme les autres se mêlent doucement et favorisent la naissance d’un trouble charmant. Je devine Catherine prête à se laisser submerger.

Heureusement son mari qui cuve bruyamment à deux mètres de nous, nous maintient dans la réalité et le savoir-vivre. Je me dégage doucement et pose enfin la question qui me brûle les lèvres :

- Qu’est-ce que tu fais avec un mari comme ça, ma pauvre Catherine ?

Elle répond du tac au tac :

- Je te l’ai déjà dit, ne le juge pas ! C’est le plus gentil des maris et …

- Toutes les femmes disent ça, même celles qui se font battre !

- Je t’en prie, écoute-moi.

Et elle me raconte l’histoire merveilleuse de ce garçon merveilleux qu’elle a rencontré par le plus grand des hasards. Il est très gentil, très doux, très attentif et toujours plein de surprises. Il a une situation brillante, un métier qui lui plait et des amis intéressants. Ils habitent à Créteil un grand appartement qui lui sert aussi de bureau. Je préfère abréger :

- Bref, la vie rêvée !

- La vie rêvée, oui, même si ce soir les apparences sont contre nous. Stanislas est un garçon peu ordinaire, assez étrange parfois mais très profond. Je bénis chaque jour la Providence d’avoir bien voulu le mettre sur mon chemin. … Qu’est ce qui te fait sourire ?

- Toi ! Je ne t’imaginais pas avec un avocat !

- Et bien tu avais tort ! La preuve ! … Et toi, que deviens-tu ? Toujours à aligner des chiffres et faire des totaux ?

- Toujours, oui !

- Ce n’est pas une vie, çà ! Qu’est ce qu’on peut espérer là-dedans ?

- Rien, je n’espère rien !

- Mais on ne peut pas vivre sans espoir !

- Je ne vis pas, je survis !

Elle rit :

- Toujours à faire des phrases mystérieuses, je vois ! … Tu es aussi déroutant que Stanislas, mais lui au moins a le mérite de me faire rire !

- Tu es heureuse avec lui ?

- Très ! Pour rien au monde je ne laisserais ma place !

- Et Bruno ? Oublié ?

- Oui, et toi avec si tu veux tout savoir. Terminée aussi l’époque de Miss Cala ! Du jour où j’ai rencontré Stan, aucune des catastrophes qui me tombaient dessus journellement n’est revenue. Aussi bizarre que cela paraisse, c’est la stricte vérité. … J’ai vraiment épousé l’homme idéal, celui qui de toute éternité m’était destiné. … Franchement, je regrette que tu le rencontres dans des circonstances peu glorieuses. … Mais viens donc diner un soir à la maison tu découvriras alors sa vraie valeur. 

 

Et patati et patata. Catherine parle toujours autant. La fatigue aidant, je décroche vite. J’éprouve même un peu de sympathie pour Stanislas me demandant comment il arrive à la supporter. Je retiens seulement que je suis invité à dîner un samedi soir, début mai, la veille du second tour des élections présidentielles. Elle me note sur un papier, date, adresse et numéro de téléphone.

Je réponds oui à tout ce qu’elle dit, je ne peux plus m’empêcher de bailler. Ma pauvre tête repose sur mes deux poings. Un voile couvre mon regard. Le sommeil me tombe dessus comme le Fisc sur les professions libérales ; il tournoie sournoisement au dessus de ma tête comme un vautour et me balance de vilains coups de becs à chaque passage. Je suis comme sur un bateau la nuit, je m’enfonce dans une sorte de brume moelleuse, j’entends le cri des mouettes tapageuses qui bouillonnent autour de moi et le bruit sourd des machines qui ronronnent quelque part au loin. La brise est bonne, je file vers des rivages inconnus, une sirène à mon bord.

Soudain, je sursaute et ouvre les yeux. Seule la sirène est encore là. Il me semble même qu’elle a furtivement posé ses lèvres sur les miennes. Je ne suis plus en mer, mais à quai. Ce ne sont ni les machines ni les mouettes que j’entends mais les ronflements de Stanislas et la voix de Catherine qui demande innocemment :

- Tu dors ?

- Non non !

- Menteur !

- Que disais-tu ?

- Je te parlais de Jean-Bernard, l’ami de Stan.

- Ah oui !

Cette fois je suis tout à fait réveillé :

- Et bien à la place de ton mari, je conseillerai fermement à mon ami d’arrêter de fréquenter cette Laure. Il a raison, c’est une perverse. De toute façon, elle n’épousera jamais Jean-Bernard. Elle se joue de lui et va le faire tourner en chèvre comme elle l’a fait avec beaucoup d’autres.

- Est-ce vrai qu’elle n’aime que les femmes ?

- C’est ce que prétend la rumeur !

Je prends volontairement un air gêné pour préciser :

- Euh, … disons que je ne suis pas officiellement autorisé à le dire mais toi, ce n’est pas pareil, tu es une amie qui m’est chère ! … C’est vrai que Laure préfère les femmes. … Mais surtout ne va pas dire à Jean-Bernard que c’est de moi que tu tiens ces informations !

- Sois tranquille.

- Inutile aussi de lui dire que tu me connais.

 

Je ne suis pas très fière de démonter ainsi Laure, la femme que j’aime le plus au monde, mais si ça peut permettre à cette grande gigue de Jean-Bernard de me débarrasser définitivement le plancher …

C’est le moment choisi par Stanislas pour émerger du canapé.  Après avoir douloureusement déplié son corps il parvient à se redresser. Il nous rejoint d’une démarche aussi assurée que celle d’un hippopotame en talons aiguille :

- Je crois que je me suis endormi.

- Oh, tu crois ? Rit Catherine. Ca fait une heure qu’on a l’impression d’être survolé par un hélicoptère.

- Il faudrait rentrer, non ; s’inquiète-t-il.

Je rétorque en montrant la pendule :

- Bientôt trois heures ! Je crois que le mieux pour vous et de rester dormir sur place. Je vous laisse ma chambre, je prendrai le canapé.

Bien évidement ils protestent, assurant qu’ils ne veulent pas déranger, qu’ils peuvent quand même rentrer, que Catherine conduira etc. … Finalement ils acceptent en me remerciant avec chaleur.

Un quart d’heure plus tard, enfoncé dans mon gros duvet, je les entends encore remuer dans la chambre quand le sommeil m’emporte.

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Salle des pas perdus
  • Journal au jour le jour en 1988 d'un jeune homme seul qui erre dans le monde et dans sa vie et rebondit comme une balle sur un mur, de femmes en désillusions, de cuites en faux espoirs, poursuivi par le fantôme de son amour mort à 18 ans.
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